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Je suis une marcheuse....

Publié le par MAuD

 

Into-the-wild-ciudad.jpg

 

 

Il y a des liens que l’on ne fait pas soi-même.
Il y a des liens que seule une personne extérieure, avec une image globale de qui vous êtes, peut  faire.
Et alors, dès l’instant où ces mots sont prononcés, les connexions se font à la vitesse de la lumière dans votre cerveau.

« Mais, j’ai déjà le souvenir de vous en train de marcher, vous vous souvenez ? »

L’évidence  est là. Frappante…
Cette sensation de rembobiner toute ma vie,  à l’envers, de maintenant à l’aube de mes premiers souvenirs. Et de constater qu’elle a raison …
Marche ou Crève.
Naître dans un environnement où mon  hyper sensibilité aurait pu me tuer.
Où elle n’a jamais été entendue, comprise ou respectée.
Naître dans un environnement où le manque de considération des adultes responsables, le manque d’échange et de partage  m’amputait  jour après jour de la sensation d’exister.
Jusqu’à m’isoler de de tout, de la vie elle-même.
Comment survivre à cela, comment ne pas juste me laisser mourir dans un coin. Alors que mon corps d’enfant hurlait de mal être, de ces insupportables peurs d’être abandonnée au premier carrefour, de ce silence et cette immobilité qui m’étaient imposés.
Marche ou Crève.
Je crois que ces souffrances ont eu la chance d’être couplées avec une incroyable volonté de vivre et d’exister. Que cette force venue d’un endroit inconnu, m’a permise de décider que ma vie ne devait pas être un échec. Que je ne pourrais jamais tolérer d’être insignifiante, vide, éteinte…
J’ai marché, j’ai toujours marché. Je m’enfuyais des heures entières de ce cocon perturbateur, à pied ou à vélo. Je fuyais cette souffrance, pour ne pas en mourir. Je parcourais déjà des kilomètres pour sentir le vent sur mon visage, la chaleur du soleil dans mon dos, pour sentir la vie revenir dans mes membres crispés.
D’aussi loin que je me souvienne, je conserve dans mon cœur ces milliers d’images : ces ruisseaux, ces églises, ces forêts, ces moulins abandonnés, ces vieilles maisons démolies qui devenaient des lieux où je pouvais exister, me ressourcer, pleurer, crier, inventer un monde secret.
Seule. Car je l’ai toujours été.
J’ai refusé qu’on me colle cette étiquette d’idiote, d’incapable qui me poursuivait enfant. J’ai  décidé qu’il m’était impossible de grandir dans un univers où les mots n’auraient pas de sens pour moi.
J’ai refusé qu’on me plaigne, j’ai refusé d’être celle qu’on voulait que je sois. J’ai décidé que si je voulais exister, je ne pouvais compter que sur moi-même.
Je me suis battue pour ça, avec l’aide de ceux qui ont vu en moi qu’il était possible d’y arriver et d’y croire. Je ne voulais pas les décevoir, et je me suis battue, année après année, luttant contre des milliers de problèmes, prenant trop de responsabilités, faisant des choix qui m’ont fait grandir vite, très vite…. Trop ?
J’ai toujours marché, parce que si je m’étais arrêtée, je ne me serais pas relevée.

Surtout pas l’année de mes 19 ans, la pire de toute, celle qui me hante et me hantera jusqu’à la fin de mes jours.
Et pour me protéger de tant de souffrance, j’ai créé l’illusion de ce monde secret dans lequel je me réfugie depuis l’enfance, que j’ai agrandi pendant mon adolescence et qui resplendit de beauté maintenant que je suis adulte.  Ce lieu dont la porte est gravé sur ma peau pour toujours.  
L’autre jour, un ami au détour d’un repas, à la lueur des bougies, d’une discussion sur nos vies, nos expériences  m’a dit : tu es une guerrière.
J’ai souri. Il avait cerné lui aussi que la vie m’avait obligé à choisir.
J’ai souri car mon gout pour la vie, pour assouvir mon insatiable curiosité, mon insatiable besoin d’apprendre, mon insatiable besoin d’être et d’exister a été plus fort que tout.

J’ai choisi de marcher. De prendre ce glaive et de l’abattre, de couper tous ces poids m’empêchant de me libérer.


Et oui, je me souviens de moi en train de marcher…. Mon dieu oui

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Cette référence faite par ELLE cette fantastique psychologue qui m’a aidé à devenir cette femme complète que je suis aujourd’hui.
Car OUI, le jour où toute cette noirceur, toutes ces douleurs, toutes ces peurs, toutes ces violences m’ont sautées à la gorge, attaquées, déchirées, m’ont crevées  de part en part, ne me laissant plus qu’un cri de désespoir, hurlant, vagissant … où tout mon être a cessé d’être, happé dans ce tourbillon d’horreur….
J’ai marché, marché comme si ma vie en dépendait, j’ai marché pour extérioriser, vider, décharger, hurler, pleurer, cracher …. J’ai marché des heures, seule, la musique hurlant dans mes oreilles, j’ai marché sans manger, sans penser, sans respirer… j’ai marché pour ne pas crever. J’ai traversé le désert.
Marche ou crève.
Et si j’ai su affronter tout ça, c’est aussi parce que la vie met sur votre chemin les être qui sont capable de vous aider à traverser cela. Ces êtres qui ont l’intelligence du cœur, la vraie, celle qui compte et qui vous aiment pour de vrai et qui ne vous lâche pas la main dans cette tempête. Ces amis-là se reconnaîtront. Et c’est un sourire qui viendra sur leurs visages car ils m’ont vu me battre comme une guerrière, ils m’ont vu changer, ils m’ont vu grandir…. Ils ont su être silencieux, présents, là.
Et non, je n’étais pas arrivée jusque-là pour simplement crever.
J’étais arrivée là car je devais faire l’ultime choix…. Le plus important de toute ma vie…
Prendre le taureau par les cornes, arrêté de nier, accepter la vérité, même la plus moche pour enfin la digérer, l’intégrer.
Et tourner la page.
Définitivement.
Et vivre ma vie. La vraie, la vivre vraiment, pleinement, entièrement, intensément, passionnément. Etre moi, être vraie, être forte.
Ne plus jamais dépendre de qui que ce soit, ne plus jamais tenter de combler mes blessures à travers les autres.
Exister, faire du bruit, ressentir, vibrer, trembler…
Tout ne s’est pas fait immédiatement, il m’aura fallu des années pour atteindre enfin cette sérénité, ce vrai bonheur, savoir où j’en étais de ma vie et ce que je lui souhaitai pour le futur.
Accepter qu’être vraie, qu’être soi ça ne se fait pas sans heurter les autres, sans les blesser mais qu’on ne peut pas arrêter de vivre pour ces prétextes-là.
Accepter enfin qu’être soi, ça permet aussi de vivre des expériences hors du commun, de croiser la route d’autres ayant aussi traversé le désert un jour.  Et de partager la vérité la plus transparente qu’il puisse exister. Et s’en émerveiller.

Je me sens vivante, complète, intègre.
Et forte…. Si forte…  

Et je ris d’avoir dit à cette femme que je m’étais mise à la randonnée. Que je m’étais mise à marcher.
Alors qu’en vérité, je marche depuis que je suis née.
Et qu’il a fallu qu’elle me le dise pour que je le comprenne.
« Mais, j’ai déjà le souvenir de vous en train de marcher, vous vous souvenez ? »
…. Elle a tout compris.

Maintenant, je marche juste parce que j’en ai envie. Juste parce que maintenant je peux admirer ces paysages pour de vrai, je peux méditer, avancer, respirer… et me sentir pleinement libérée.

Je suis moi. La Vraie.

Celle qui  marche pieds nus pour sentir le sol et les textures,
Celle qui ne  change jamais le rouleau de PQ du dérouleur, mais qui pose le nouveau dessus.
Celle qui mange avec les doigts
Celle qui  lèche son assiette et l’opercule des yaourts et qui suce ses doigts avec délectation.
Celle qui s’allonge toujours à plat ventre et en travers du lit pour lire.
Celle qui ouvre le bouton de son pantalon quand elle a trop mangé.
Celle qui ne sait pas écouter de la musique doucement.
Celle qui suce son pouce
Celle qui ne s'assoit jamais à son bureau pour travailler
Celle qui va à l'école pour écrire et va chez elle pour se faire l'école.
Celle qui gémit  quand elle mange un truc incroyable tellement c’est bon
Celle qui  fait pipi en laissant la porte ouverte ( et qui se fait attaquer par un hamster )
Celle  pour qui la musique est le repaire le plus important qui soit
Celle qui a failli mourir vivante
Celle qui sait pleurer en lisant un bon bouquin
Celle qui comprend que savoir trembler c’est être vraie…..

 

J’ai envie de lui dire merci à cette femme. Son métier est incroyable. Dans mon cas, aller à sa rencontre a été la plus grande expérience de toute ma vie.
Elle n’a pas changé ma vie. Elle m’a aidé à changer MA vie.

Je suis vivante.

 

 


 


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